Toutes les données de cet article proviennent de la DGFIP, ou des conseils municipaux, et sont utilisées brutes.
Les finances publiques de la ville de Blagnac vont-elles dans le bon sens ?
(spoiler : non)
Chiffres clés de l’article :
- +7,2 millions de charges de fonctionnement entre 2021 et 2022,
- Une forte baisse du résultat comptable,
- Une capacité d’autofinancement en chute libre,
- Un fond de roulement qui risque de poser des problèmes,
- Une épargne nette qui passe de 10,7 millions d’euros en 2020 à 6,3 millions aujourd’hui,
- Une évolution des dépenses supérieure à la moyenne nationale.
Explications
Depuis quelques années, la ville de Blagnac investit fortement dans de nombreux projets et promet la réalisation prochaine de nombreux d’entre eux, mais à quel prix ?
Nous observons que certains investissements semblent être lancés sans que le projet soit totalement fixé (Tiers lieu des alouettes), ou bien que d’autres dépassent très nettement les prévisions, faute de vision et d’anticipation adéquates (Place des arts, Odyssud, Festival des Lanternes, ect.) :
- Le tiers lieu des Alouettes, en cours de réalisation pour un coût estimé autour de 6 millions d’euros, sans que l’on sache réellement à quoi il servira. « Un machin qui fait des trucs » a dit M. le Maire lors de ses vœux. Ce projet de tiers lieu représente à lui seul ¼ des capacités d’investissement annuel de la commune. Il est légitime de se demander si un tel investissement doit être lancé, sans préciser à quoi il servirait. Ce projet, à ce stade des estimations budgétaires, représente 8 % du budget annuel total de la commune de 2022 qui est 78,6 millions d’euros,
- La Place des Arts avec la démolition prochaine de l’ancien conservatoire permettant de laisser place à quelques centaines de mètres carrés de pelouse. Faute de ne pas avoir su anticiper à la construction du parking des espaces verts, un budget supplémentaire autour de 2 millions d’euros est voté. Pourtant, il aurait été possible de concilier ces deux objectifs dès le début,
- La salle de spectacle d’Odyssud, qui après des études onéreuses (autour de 5 millions d’euros), rouvrira finalement avec des travaux à minima,
- Le festival des lanternes, qui a abouti à une perte sèche autour du million d’euro ; festival réalisé dans une précipitation importante, sans anticiper les répercussions pour les riverains, et en réalisant des investissements conséquent pour le parc du Ritouret qui ne sont toujours pas finalisés.
Comment le budget et les finances de la ville de Blagnac évoluent depuis plusieurs années ?
L’analyse des comptes publics de la ville sur plusieurs années, est un exercice complexe mais indispensable pour évaluer la santé/tendance financière de la commune et déterminer sa trajectoire actuelle. Grâce aux documents de la Direction Générale des Finances Publiques – DGFIP « Analyse des équilibres financiers fondamentaux », nous avons pu étudier les tendances de 2014 à 2022, en nous concentrant particulièrement sur la période de 2018 à 2022 (cinq exercices), tout en tenant compte des particularités de l’année 2020 marquée par deux confinements successifs.
Nous souhaitons rappeler que M. Joseph Carles, actuel Maire de Blagnac, est entrée en fonction comme maire dès septembre 2017, suite à la démission du précédent maire M. Bernard Keller.
Nous avons compilé les informations contenues dans les documents de la DGFIP dans les graphiques suivants (cliquez pour agrandir) :
Nous pouvons constater :
- Une augmentation significative des charges de fonctionnement entre 2021 et 2022 (+7,2 millions d’ euros), soit une hausse d’environ 11 % entre les deux années, qui ne peut être expliquée uniquement par les charges de personnel, lesquelles ont augmenté de 3 millions d’euros suite à l’augmentation du point d’indice,
- Une forte baisse du résultat comptable, c’est-à-dire ce qui reste entre les entrées financières totales et les sorties financières totales,
- Une capacité d’autofinancement (CAF) en chute libre, et qui d’après le conseil municipal du 14 décembre 2023 (page 28) va être entre 6,5 et 7,5 millions d’euros, donc encore en baisse pour 2024. Le montant de 321 € par habitant (ou 312 après remboursement) baisse très nettement alors que la moyenne de la strate des autres communes n’évoluent pas depuis 2018 (voir l’encart sur la CAF à la fin de l’article pour plus de détails),
- Un fonds de roulement qui risque de poser problème à l’avenir, car si la commune continue sur cette trajectoire, elle pourrait avoir du mal à honorer ses dettes, à payer ses fournisseurs ou ses salaires sans recourir à des emprunts.
À cela, il convient d’ajouter que :
- Une baisse des dépenses d’investissement, passant en moyenne de 22 millions d’euros à 16 millions d’euros, démontrant une diminution claire des capacités de la ville à investir, malgré des produits de fonctionnement toujours aussi importants,
- L’épargne nette de la commune est passée de 10,7 millions d’euros en 2020 à 8,16 millions d’euros en 2022, et qu’elle est actuellement de 6,3 millions d’euros (en considérant que passer en dessous de 8 millions peut poser problème, selon le conseil municipal du 16 novembre 2023 (page 39).
Des augmentations supérieures à la moyenne nationale
En novembre 2023, L’Association des Maires de France (AMF) a rédigé un document pour dégager les tendances en 2023 et 2024. Sans surprises, elles sont mauvaises, principalement liées au retour de l’inflation qui plombe en grande partie les dépenses publiques.
Les chiffres données par ce document parlent d’une augmentation moyenne à l’échelle nationale de 5% des dépenses de fonctionnement sous l’effet de la hausse des dépenses de personnel et de l’inflation : Blagnac est à +11%.
En détail et d’après l’AMF, l’augmentation moyenne et nationale des dépenses de personnel serait de 4% avec l’évolution du point d’indice. Blagnac est à +9,52%.
Et surtout, l’inflation bien qu’elle est surprise en partie, avait commencé à marquer le pas fin 2021 ; l’INSEE avait dans ses projections averti sur un retour de celle-ci.
Se croit-on plus visionnaire que l’INSEE ?
En conclusion : « Gouverner, c’est prévoir »
Nous observons des accélérations dans les indicateurs de la DGFIP, et les derniers conseils municipaux (fin 2023) attestent que le cap reste le même, et donc que les finances semblent continuer à se détériorer.
Il est évident qu’il est indispensable de recourir aux investissements pour les générations futures, permettant à la ville de rester attractive. Blagnac a les capacités financières de ses ambitions, mais il semble qu’aujourd’hui, de nombreuses dépenses superflues et additionnelles sont réalisées par manque de vision ou de clairvoyance, ce que nous regrettons amèrement.
Dans un contexte toujours inflationniste (+3% en mars 2024), il aurait été prudent de gérer finement les efforts financiers de la commune en 2022 et 2023. Ces précédents budgets auraient dû permettre d’amortir le contexte économique de 2024 et non le subir, en pilotant les dépenses de fonctionnement finement. Nous observons alors que celles-ci augmentent toujours plus que la moyenne nationale, et comme nous l’indiquions dans notre article, Blagnac a été parmi les quelques communes à réviser le taux communal des impôts fonciers en 2023 (+1% qui s’ajoutent au 7,1% national).
Blagnac ne prévoit pas, Blagnac subit.
Pour aller plus loin :
La CAF – Capacité d’Autofinancement
Pourquoi examiner l’autofinancement ?
L’objectif est de déterminer comment, à partir de l’étude des charges et des produits de fonctionnement, la commune a dégagé un excédent ou un déficit dans sa gestion courante.
À quoi sert l’autofinancement : qu’est ce que la capacité d’autofinancement ?
La capacité d’autofinancement (CAF) représente l’excédent résultant du fonctionnement, et est calculée par différence entre les produits réels de fonctionnement (hors produits de cession d’immobilisation) et les charges réelles. L’analyse va porter sur l’évolution de la CAF, son poids par rapport aux produits réels, sur la comparaison avec la moyenne de référence et sur les causes de son évolution (hausse des charges et baisse simultanée ou non des produits).
La CAF est utilisable pour financer les opérations d’investissement (remboursements, de dettes, dépenses d’équipement…).
Comment sont financées les dépenses d’équipement : le financement disponible
L’excédent dégagé en fonctionnement (Capacité d’Autofinancement : CAF) doit permettre de payer les remboursements de dettes. Le surplus (CAF – remboursements de dettes) s’ajoute aux recettes d’investissement (dotations, subventions ; plus-values de cession) pour financer les dépenses d’équipement. Ce montant représente le financement disponible de la commune.
Strate : communes de 20 000 à 50 000 habitants appartenant à un groupement fiscalisé (FPU) – c’est une manière de comparer les villes à des tailles similaires pour le fonctionnement :
Moyenne de la strate de la CAF en 2014 : 152 euros par habitant,
Moyenne de la strate de la CAF en 2018 : 191 euros par habitant,
Moyenne de la strate de la CAF en 2022 : 192 euros par habitant.
La CAF de la strate augmente et se stabilise, alors que celle de la ville de Blagnac fond.
Le tableau compilé qui a permis de réaliser les graphiques