Les enjeux économiques
Le bâtiment de l’Air Business Academy (ABA) n’est plus qu’un souvenir. Abandonné il y a 6 à 7 ans au profit de la Leadership University, l’ABA est devenu une friche, régulièrement squattée, et son parking souvent utilisé par les gens du voyage.
Ce terrain de 3,2 hectares suscite donc de vives convoitises, et un projet d’ampleur est annoncé à son endroit (source : ICAD Promotion) :
- 500 logements, dont 25% minimum en locatifs sociaux et 10% minimum en accession sociale à la propriété,
- Fin des limites de hauteur de construction dans ce secteur « Grand Noble », permettant la construction d’une tour de 12 à 14 étages (R+12 / R+14),
- Création de Servitudes d’Équipements Publics (SEP) anticipant la création d’une bretelle de sortie vers le rond-point du CGR.
Cependant, tout cela n’aurait pas été possible sans la révision du PLU (Plan Local d’Urbanisme) réalisée en avril 2023 par le conseil municipal de Blagnac, permettant le changement de zonage. Avant la modification N°6 du PLU en avril 2023, cette zone était classée comme une zone économique, et la révision N°5 de novembre 2016 avait renforcé les droits de cette zone à vocation économique. Aujourd’hui, le PLU N°6 bascule cette zone économique vers une zone mixte, permettant ainsi la construction de logements conformément aux règles d’urbanisme de la zone UB.
(Source : PLU 5 et 6).
(Source PLU modification N°6 de Blagnac – Avril 2023)
Mais pourquoi cette modification de PLU ? En réalité, il était prévu que les PLU locaux ne soient plus les éléments de référence, dans la mesure où Toulouse Métropole prévoyait l’instauration d’un PLUi-H (Plan Local d’Urbanisme Inter Habitat) dès 2019. PLUi-H, comprenez plutôt : un super PLU regroupant les 37 communes de la métropole. Sauf que ce PLUi-H approuvé en avril 2019 a été annulé par décision du tribunal administratif les 30 mars et 20 mai 2021, provoquant de fait un retour aux PLU locaux jusqu’à nouvelle publication d’un PLUi-H en cours d’élaboration, mais qui ne devrait pouvoir être approuvé qu’en 2025. (Source : Toulouse Métropole).
Ce PLUi-H avait donné la possibilité de construire des logements dans cette zone, ce que son annulation a bloqué de fait, puisque le retour au PLU de novembre 2016 ne le permet pas. Sauf que sous ce PLU N°5, ce terrain n’est en réalité plus exploitable par la commune : aujourd’hui, plusieurs plan et schémas de développement territoriaux (SCOT et SDDHM) bloque dorénavant la possibilité de créer une activité à vocation commerciale dans cette zone (commerce ou hôtellerie). Constatant de fait que les conditions prévues en 2016 n’étaient plus d’actualités, le conseil municipal a donc voté l’évolution de cette zone afin de pouvoir créer ces 500 logements. Les élus actuels valident donc le changement que devait opérer le PLUi-H, et ne peuvent donc pas évoquer l’obligation portée par la métropole pour cette zone. Ils auraient pu y définir un tout autre projet.
Nos remarques sur ce projet
Au-delà de ces éléments parfaitement légaux, c’est plus ce projet de logements qui semble inadéquat par rapport à la localisation et la promiscuité à la RM902. Ce terrain est coincé entre la voie lactée, une zone commerciale très active et la station service Total. La connexion avec le parc du Grand Noble n’est qu’une petite partie du terrain en lui-même.
Le cadre de vie qui sera proposé sera globalement médiocre avec des nuisances sonores importantes et une qualité de l’air dégradée liée à l’activité économique et routière immédiate, et cela en contradiction directe avec le SCOT (voir la dernière page). De plus, la création d’une bretelle de sortie, bien qu’indispensable à l’amélioration de la fluidité de la circulation, va générer encore plus de circulation, donc des ralentissements et bouchons potentiels, juste sous les fenêtres des habitants (il suffit d’imaginer les périodes des fêtes de Noël). La création d’une tour de 12 ou 14 étages dans ce paysage sera un non-sens architectural, et aura aussi comme conséquence d’exposer encore plus les personnes qui y seront présentes (bureaux ? habitations ?). Un parking silo entre la RM902 et les habitations a également été évoqué, offrant ainsi une vue peu agréable aux habitants du nouveau quartier.
L’utilisation de matériaux bas carbone avec un mixte bois-béton permet d’espérer une meilleure acceptabilité du projet, mais à quoi bon construire décarboné si c’est pour placer les futurs habitants dans des conditions de vie questionnable ? Certes, de nombreuses habitations historiques sont déjà situées dans cette zone et dans des zones similaires, souvent en raison de l’évolution des villes et des réseaux de circulation. Cependant, installer presque 750 à 1000 personnes dans de nouveaux logements dans un cadre de vie dégradé avec la RM902 à leurs fenêtres est une décision discutable de la part des élus actuels, sachant que la voiture est le principal pollueur de la zone.
Le projet a été confié à ICADE, à travers sa filiale Urbain des Bois, un constructeur affirmant être engagé dans la construction bas carbone et promouvant la « ville inspirée par la nature ». Cependant, cela ne semble pas poser de problème pour construire des logements dans une zone comme celle-ci. La question à se poser est combien de personnes travaillant sur ce projet, entre les promoteurs et les élus, seront réellement prêtes à vivre dans ce nouveau quartier ? C’est la première question à se poser lors du lancement d’un projet immobilier.
Il est à noter que l’équipe dirigeante d’Urbain des Bois, par l’intermédiaire de sa directrice générale, a œuvré depuis plusieurs décennies dans le microcosme Blagnacais en débutant sa carrière en 1994 au sein de la direction financière de la ville de Blagnac, puis en étant dès 2001 dans le développement de la SEM Constellation (précédemment SIVOM Blagnac-Constellation –
Source : La Dépêche du 11 juin 2004) en tant que responsable administratif et financier, puis en 2002, en tant que directrice générale des services de la SEM Constellation de 2002 à 2010. Elle est directrice générale d’Urbain des Bois depuis avril 2021. (L’ensemble de ces sources sont publiques).
Rappelons que le Maire actuel de Blagnac, M. Joseph Carles, a été président de la SEM Constellation depuis 2005, devenu maintenant OPPIDEA avec la fusion de la SETOMIP, la SEM de Colomiers et la SEM Constellation. M. le Maire de Blagnac est actuellement un des vice-présidents d’OPPIDEA. M. le Maire de Blagnac était également conseiller municipal dès 1999, dans l’opposition du maire d’alors M. Bernard Keller, et avait dès lors largement soutenu le projet de l’élargissement de la SIVOM créé en 1996 (Source : La Dépêche du 23 septembre 1999) avant de devenir en 2005 la SEM Constellation présidée par Joseph Carles (Source : La Dépêche du 04 juillet 2005).